LES MANUFACTURES FRANÇAISES AU XVIII° SIÈCLE 445
Du Mons était en outre astreint à un séjour de trois mois à Aubusson, tous les deux ans, pour diriger les chefs d'atelier et leurs ouvriers, et aussi pour enseigner le dessin à ces derniers ainsi qu'aux apprentis. Une pension annuelle de 1,800 livres était allouée à l'artiste.
Les fruits de cette double innovation ne se firent pas attendre. Évidemment du Mons n'était pas un peintre bien habile. Cepen­dant, sous l'influence de ses Conseils, la fabrication entra dans une nouvelle voie. Les tapissiers choisirent mieux leurs modèles, apportèrent plus de soin à l'exécution. Ils furent bientôt récom­pensés de leurs efforts; car, à cette époque, la réputation des tapisseries d'Aubusson se répand dans toute l'Europe et s'étend jusqu'en Amérique.
Des lettres patentes et arrêts, qui portent la date de 1732 et de 1733, avaient complété les mesures inaugurées par l'envoi d'un teinturier et d'un peintre. Les nouveaux règlements reprodui­saient les prescriptions essentielles de l'ordonnance de 1665 : interdiction aux femmes de travailler aux tapisseries ; obligation de tisser dans la lisière de chaque pièce, en toutes lettres, le mot Aubusson, avec les initiales du nom et du prénom de l'ouvrier; visite cles experts jurés constatée par l'apposition d'un cachet de plomb. En outre, un nouvel article imposait aux aspirants à la maitrise l'exécution d'un chef-d'œuvre consistant en une tète d'après van Loo, Boucher ou Watteau, de trente-cinq à quarante centimètres de haut, sur trente à trente-cinq de large. Un inspec­teur des manufactures d'Aubusson et de Felletin, aux appointe­ments de 300 livres par an, était investi du soin de veiller à la stricte observation des règlements.
Seuls les tapissiers du faubourg de la Cour et ceux de Felletin étaient autorisés à travailler à la haute ou à la basse lice dans un rayon de quinze lieues autour d'Aubusson : interdiction qui impli­quait la suppression définitive des ateliers de Bellegarde, déjà ré­duits à une situation des plus précaires.
Les règlements de 1732 et de 1733 étaient applicables aux manu­factures de Felletin. Les ouvriers de cette ville étaient donc tenus de tisser son nom dans le galon inférieur de leurs ouvrages. Dix ans plus tard, un arrêt du conseil les astreignit même à entourer leurs tapisseries d'une lisière brune, pour mieux les distinguer des produits d'Aubusson, dont la lisière était bleue. On pense si cette